Les femmes sont au cœur des micros, petites et moyennes entreprises (MPME). Développer la digitalisation de ces MPME est essentiel pour leur permettre de mieux affronter les crises actuelles et futures. Financé par l’Union européenne et mis en œuvre par l’Agence française de développement (AFD) et l’agence de coopération belge Enabel, le programme DIRECCT soutient 18 projets dont 5 dans le secteur des MPME. Un appui spécifique a été portée vers les femmes entrepreneures et les premiers résultats sont encourageants.

Réduire les inégalités d’accès

« La possibilité de travailler à distance sans se déplacer, gagner du temps et économiser des ressources économiques (…), l’utilisation du numérique permet aux femmes entrepreneures de travailler malgré leur précarité et la charge des enfants », explique Malick Ndome, responsable du projet DIRECCT d’Oxfam au Sénégal. Les 5 projets, portés par Expertise France, Oxfam et Enabel représentent ainsi une opportunité de travailler au développement de l’entreprenariat féminin notamment en veillant à réduire les inégalités entre les femmes et les hommes dans l’accès au numérique. A titre d’exemple, en 2020, l’écart entre les femmes et les hommes concernant l’utilisation de l’Internet mobile restait de 16% dans les pays à revenus faibles ou intermédiaires[1].

C’est pourquoi, les porteurs de projet ont bénéficié d’un appui spécifique pour mieux prendre en compte cet enjeu dans la mise en œuvre de leurs projets. « Sans l’organisation de sessions non mixtes pour les femmes, nous n’aurions pas pris conscience de toutes les difficultés qu’elles rencontrent. Dans les sessions non mixtes, elles ont pu en parler », précise Malik Diallo collaborateur du projet E-Tchite de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Bénin, projet en partenariat avec Expertise France. Au-delà de l’objectif de compter à minima 50% de femmes parmi les bénéficiaires finaux que se sont fixés les porteurs de projet, ce sont ainsi les freins à la participation des femmes qu’il a fallu identifier et lever dans les actions de formation et d’accompagnement.

Lever les obstacles à la formation des femmes entrepreneures au numérique

« La première difficulté est la précarité accrue des femmes », explique Ayo Job BIAO, chef du projet E-Tchite. « Certaines femmes ont appris l’existence de la formation. Elles sont venues mais elles n’étaient pas munies de téléphone ou d’ordinateur portable » précise Malik Diallo.

« 100 km à moto pour suivre la formation »

Cette précarité limite aussi les possibilités de se déplacer vers les centres de formation, lorsqu’ils sont trop éloignés. « Une dame nous a raconté qu’elle avait fait 100 km à moto pour venir assister à la formation. Elle nous a demandé comment faire pour que les autres femmes de sa ville d’origine puissent aussi se former » raconte encore Malik Diallo. Pour lever ce frein, il a été décidé de déployer des sessions de formation dans les villes capitales des différentes régions béninoises et d’autres localités pourraient être concernées en 2023.

« des formations picturales pour faire face à l’analphabétisme »

« L’analphabétisme est une (autre) difficulté et il concerne davantage les femmes, surtout celles qui sont dans le secteur informel. C’est une difficulté pour l’utilisation des outils numériques » explique Adja Sanogo, coordinatrice du projet E-Djaouli de la Chambre de Commerce et d’Industrie en Côte d’Ivoire, projet en partenariat avec Expertise France. C’est pourquoi, lors des formations, des collaborateurs ont apporté un appui spécifique à ces femmes pour qu’elles puissent apprendre à utiliser des outils de marketing digital. Face à ce même constat au Sénégal, Malik Ndome précise que des formations picturales ont été menées pour l’apprentissage de l’utilisation de téléphone portable et des réseaux sociaux.

La difficulté pour faire garder ses enfants ou pour se déplacer sans eux lorsqu’ils sont allaités limite également la participation des femmes aux formations. « Nous avons créé des espaces pour que les mères nourrices puissent allaiter pendant les formations » explique Ayo Job BIAO. « Dans les sessions non mixtes pour les femmes, quand elles viennent avec leurs enfants, cela ne pose pas de problème car elles sont entre elles. Certaines ne seraient pas venues sinon » précise Malik Diallo.

Les résultats concrets de cette prise en compte des inégalités entre les femmes et les hommes dans la mise en œuvre des projets s’annoncent déjà.

Premiers résultats encourageants

« En apprenant à créer nous-même nos outils de marketing digital, nous avons fait de grosses économies en payant moins de prestations de services (…), nous sommes devenus autonomes », explique Aizan Gnima, dirigeante d’AGF Entreprise, qui transforme des produits naturels en produits cosmétiques et alimentaires, à Abidjan en Côte d’Ivoire. « Le développement de notre communication sur les réseaux sociaux et la création de notre site Internet nous a permis d’élargir notre clientèle (…), notre chiffre d’affaires a déjà augmenté un peu », précise-t-elle.

« J’ai appris à utiliser Facebook pour faire ma publicité (…), je peux toucher des personnes au-delà des alentours car il y a beaucoup de concurrence ici », Youssrath Chabi-Ota, directrice de CAY Ldt à Parakou au Bénin.

Ce renforcement des capacités digitales permet aussi aux bénéficiaires d’être mieux outillés pour affronter la concurrence. « J’ai appris à utiliser Facebook pour faire ma publicité (…), je peux toucher des personnes au-delà des alentours car il y a beaucoup de concurrence ici », explique Youssrath Chabi-Ota de l’entreprise de production de jus de fruits CAY Ldt à Parakou au Bénin.

« Maintenant je peux utiliser les paiements en ligne (…), les clients viennent plus nombreux », raconte encore Firmine Bessan de l’entreprise de services informatiques et de fournitures scolaires VIF La Victoire à Azove au Bénin, qui a pu créer son site Internet et apprendre à utiliser de nouveau outils grâce aux formations.

C’est enfin la pérennité de l’activité qui s’améliore conclut Malick Ndome : « Les femmes dans les zones inaccessibles ont des difficultés à communiquer pour acheter leurs produits aux fournisseurs. En utilisant le téléphone portable et les outils numériques elles peuvent acheter et vendre sans se déplacer », précise Malick au Sénégal.

 

[1] Mobile Gender Gap Report 2022. GSMA | The Mobile Gender Gap Report 2022 – #BetterFuture