Le projet Makers Nord Sud, lancé à l’initiative du Réseau Bretagne Solidaire dans le cadre du programme DIRECCT, associe le Réseau Français des Fablabs et le Réseau Francophones des Fablabs d’Afrique de l’Ouest (ReFFAO) dans une double perspective :

— Le volet 1 consiste à doter 11 fablabs africains en machines de fabrication numérique et en consommables pour fabriquer de manière autonome les dispositifs de protection, prévention et détection de la Covid-19 ;

— Le volet 2 permet d’expérimenter à Cotonou (Bénin) une machine de type “Precious Plastic” permettant la production de filaments 3D en recyclant les déchets plastiques. Cette expérimentation contribuera à réduire l’impact environnemental des déchets plastiques en plus de rendre les fablabs autonomes sur les matières premières pour l’impression 3D.

Ces machines Open source permettent la production de filaments 3D en recyclant les déchets plastiques pour faire face à une demande grandissante de matériaux (composants électriques) et matières premières nécessaires à la fabrication sur place de dispositifs de protection, de prévention et de détection de maladie. Les enjeux économiques et inclusifs sont centraux dans ces pays. Cette mise en capacité des fablabs locaux permet enfin de soutenir les systèmes de
santé localement par une production locale durable peu coûteuse de dispositifs
sanitaires, tout en soutenant les actions globales des fablabs africains en levant
le frein de l’accès au matériel.

L’atelier d’expérimentation Precious Plastic s’est déroulé au Bénin du 28 août au 12 septembre 2022. Quentin Orhant, coordinateur à l’atelier commun, revient sur ce partage de compétences avec l’équipe du Blolab de Cotonou où il a formé ses collaborateurs. Trois machines ont été mises en place afin de fabriquer des filaments 3D. C’est une réussite !

Quentin Orhant pouvez-vous présenter votre rôle dans le projet Makers Nord Sud ?

Je suis le coordinateur de l’atelier commun, un atelier associatif qui cherche à réduire, réutiliser, et recycler les déchets, notamment avec les outils de fabrication des “labs” tels que des imprimantes 3D. Nous utilisons également des savoirs-faire plus traditionnels comme le travail du bois, du métal et du textile.

Comment vous est-il venu l’idée de fabriquer ces machines au Bénin?

On s’est basé sur des machines de type “Precious Plastic” pour expérimenter le recyclage plastique à l’atelier commun, à l’échelle locale et citoyenne. Ces machines, créées par Dave Hakens et documentées en open source, ont permis de créer plus d’une centaine d’ateliers de recyclage plastique dans le monde. Du côté fablab, on s’est particulièrement intéressé aux déchets d’impression 3D que les makers du blolab ont intuitivement mis de côté. Dans un premier temps, en les refondant afin de créer des plaques plastiques que l’on pouvait utiliser avec une découpeuse laser. Et, depuis deux ans, nous expérimentons des solutions pour produire et fabriquer des filaments 3D à partir de déchets plastiques.

À partir de cette initiative de création de filaments 3D, nous avons été associés au projet Makers Nord Sud après avoir rencontré Hugues Aubin, qui a fédéré et initié le réseau des fablabs de Rennes. En Europe, on peut commander sur internet les consommables, ce qui n’est pas le cas en Afrique de l’Ouest où ils dépendent énormément des projets de solidarité internationale et de développement pour avoir des composants (filaments 3D…). L’objectif était de venir à Cotonou avec les pièces nécessaires à la construction des machines et avec Médard Agbayazon et son équipe du Blolab à Cotonou, nous les avons fabriquées ensemble, dans un but de transmission, afin qu’ils puissent les utiliser ou les réparer plus simplement. Nous avons mis en place trois machines, basées sur les plans precious plastic afin de fabriquer des filaments 3D au Blolab de Cotonou :

— Un broyeur électrique qui permet d’obtenir des copeaux de plastiques à partir notamment de déchets d’impression 3D.

— Une extrudeuse qui fait fondre le plastique broyé pour en faire des filaments plastiques.

— Un système de bobinage qui refroidit et met en bobines le filament plastique.

Pouvez-vous revenir sur l’atelier qui s’est déroulé au Bénin ?

L’atelier était un lieu d’échange. Je considère cette initiative comme une porte d’entrée pour réfléchir à l’avenir. Je suis arrivé une semaine avant les rencontres de l’innovation sociale que le Blolab organisait pour la première fois. C’était le moment idéal pour rencontrer de nombreux acteurs du numérique et des enseignants-chercheurs. Le fait de ne pas être juste dans un Lab, mais au contraire d’être présent à un moment fort de l’année et au contact de la population marque davantage les esprits.

J’ai compris le contexte dans sa globalité et les enjeux locaux. À ce niveau-là, c’était une expérience très riche. L’après-midi, plusieurs ateliers étaient proposés et organisés. Ces temps de fabrication, de production et de prototypage avec les participants permettaient d’ouvrir la conversation. L’atelier precious plastic dans lequel j’intervenais a attiré pas mal de regards.

J’ai fait une présentation générale sur le plastique et les enjeux qu’il y a autour de cette matière. L’objectif avec ces machines est de sensibiliser à la question des plastiques. De commencer au commencement, de réfléchir vraiment à qu’est-ce que c’est le plastique, pourquoi on l’utilise,  et pourquoi on dit Precious plastic. Ce sont des questions qui ont été abordées tout au long de l’atelier pour accompagner ce projet. Tout le monde se sentait concerné par ce matériel. Des échanges qui resteront gravés et encore beaucoup à apprendre.

Et après ?

Aujourd’hui, les machines sont utilisées et utilisables. C’est ce qui était souhaité dès le début : aller sur place avec les pièces détachées et de les assembler avec les équipes qui ont aujourd’hui pris le relais. Une petite équipe s’est donc créée. On est toujours en contact. L’objectif, c’est de réussir à garder ce lien et de continuer à faire évoluer ce projet. Cet atelier nous a montré à tous qu’on peut travailler ensemble et réussir à créer des échanges intéressants, du partage et une cohésion d’équipe. On espère intéresser d’autres fablabs qui se préoccuperaient de la question du recyclage du plastique.

Le mot de la fin, ce serait affaire à suivre, car c’est un projet open source qui est amené à se développer. L’envie d’y retourner est très forte et de retrouver cette synergie !